03 février 2009

Tendances Marketing et cosmétique

Les conférences fort intéressantes qui ont eu lieu à l'occasion du lancement du club Marketing de la cosmétique par l'Adetem la semaine dernière illustrent merveilleusement le fait que, tout en vivant dans un univers mondialisé, les situations et les logiques sont très diverses.
Ainsi François Arpels (Arpels Corporate finance) rappela-t-il dans son intervention sur le marché indien de la cosmétique en émergence, que le faible pouvoir d'achat des habitants et leur habitude de se fabriquer eux-même leurs propres produits cosmétiques à base d'ingrédients naturels a longtemps été un frein, les échantillons des grandes marques étant vendus dans les boutiques comme des produits de luxe. Parmi eux, les rouge à lèvre et les produits éclairicissant la peau continuent à être les plus demandés.
Changement radical d'univers avec Pascale Brousse (Trend Sourcing), de retour des Etats-Unis où elle confiait que la crise a déjà frappé durement les industries du luxe qui régissent par exemple en organisant des distributions de cosmétiques gratuits à New york. Les deux tendances sur le marché sophistiqué et en pleine maturité des Etats Unis concernent le Bio et le Techno. En expansion, le bio qui devrait passer de 3% à 17% en devenant un phénomène de masse qui ne s'adresse plus qu'aux seuls hédonistes et interventionistes animés par le mythe de l'éternelle jeunesse, se caractérise par l'intégration de nouveaux éléments: la recherche d'une texture et d'une odeur à bonifier pour pallier aux déficits actuels, le bilan carbone, la promesse "sans" éléments nocifs, sans parler de la bataille des labels. La seconde tendance technologique qui donne la prime à l'efficacité grâce à de nouveaux appareillages techniques, est également en pleine expansion, avec sa cohorte d'innovations impressionantes: les produits anti-âge comme le botox, la cosmétique chimique avec le laser à la maison ou les ondes magnétiques, le skin dating annuel qui vous promet le check up annuel de votre peau en 3D pour prescrire les produits les plus adaptés, la cosméto-génétique qui veut les adapter à vos gênes, la colle ou scotch biologique qui considère qu'une ride est comparable à une cicatrice à faire disparaitre, sans parler des implants ou patchs de bronzage qui seront valables pendant un an. Tous ces phénomènes tendent à développer une nouvelle approche de la cosmétique, le produit n'étant plus acheté comme un objet isolé sur son rayon, mais devant s'intégrer dans un bilan et un projet global de soin, voire lors de son passage dans un magasin de remise en forme qu'il vient alors compléter. On voit même apparaitre des produits qu'on peut se mettre sur la peau et qu'on peut aussi manger, puisque ce qui fait du bien sur le dessus doit forcément faire aussi du bien à l'intérieur... On est loin de la situation indienne, toute la problématique pour le futur étant selon Pascale Brousse de savoir si ces deux tendances bio et techno vont continuer à évoluer en parallèle, s'opposer, ou se croiser comme on le voit avec le lancement de produits bio incluant des végétaux superactifs...
Changement de préoccupation avec l'intervention de Michel Gutsatz (The Scriporium Company), qui prédit l'arrivée inéluctable en cosmétologie de marques et d'enseigne de distributeurs qui devraient, sur le modèle du food, imposer un nouveau modèle et réseau de distribution. Outre l'importance de la crise actuelle, l'angoisse des consommateurs alliée aux contraintes budgétaires et à un comportement d'expert de plus en plus exigeant, expliquent la sensibilité à des offres MDD souvent aussi efficaces que les produits de grande marque. Michel Gutsatz explique ensuite la stratégie de ces nouvelles marques aux Etats-Unis: sur les marchés de niche, elles s'implantent par une politique de cobranding en s'associant à des gens célèbres, ou en lançant des marques bio signées par l'enseigne. Sur le coeur de gamme, elles se construisent frontalement comme une marque nationale et transversale, avec une politique et une cohérence forte de gamme.
Emergence d'un nouveau marché en Inde, sophistication extrême du marché avec un narcissisme bio et techno aux Etats-Unis, attaque frontale des marques Distributeur tentées de profiter de la crise: quelle meilleure illustration de la multiplicité des situations au sein de notre monde ? D'où la nécessité de pratiquer un Marketing et des Etudes multipolaires, plus que jamais à l'affût de la diversité et de la multiplicité de tendances variées, souvent opposées...

20 janvier 2009

Obama, crise et nouveau paradigme Marketing ?

En ce jour d'investiture d'Obama, chacun d'entre nous ne peut que se féliciter du vent d'optimisme, et surtout d'espoir qui souffle sur le monde. Sans espoir, pas de projets, et donc pas d'avenir à créer. Mais la situation que va devoir affronter le nouveau président des Etats Unis est toujours aussi difficile, la crise n'ayant malheureusement pas disparu du paysage. Loin d'être passagère et conjoncturelle, elle semble bien structurelle et installée pour longtemps, attendant pour le moment les décisions de la nouvelle équipe qui s'installe à la maison Blanche.
Une telle crise, profonde et durable, ne peut qu'avoir des conséquences à peine encore explorées sur le comportement du consommateur. Le fait même qu'il hésite et remette à plus tard le renouvellement de son automobile, symbole jusqu'ici emblématique de sa liberté et de son statut social, en est le symptôme le plus évident. Avec la récession et la baisse de son pouvoir d'achat, le consommateur se voit obligé d'arbitrer et de hiérarchiser ses besoins, de rationnaliser ses critères en cherchant des biens qui correspondent à un véritable besoin, qui dureront plus longtemps et qui éviteront de futures dépenses inutiles, ces critères oubliés revenant soudain au premier plan. Si on croise cette tendance avec celle du développement durable, qui n'est hélas le plus souvent qu'une déclaration d'intention bien pensante mais qui repose pourtant sur une nécessité écologique inéluctable, ne voit-on pas émerger un nouveau paradigme de valeurs et de comportements ? En interrogeant plus finement le consommateur, en s'intéressant notamment à ses arbitrages en situation, à la nouvelle dynamique de ses motivations et de ses freins, les études que nous menons commencent à repérer cette nouvelle logique en émergence du citoyen-consommateur.
Ce nouveau paradigme ne va pas changer que le domaine des études. Dans le domaine de la Recherche, il va peut-être amener à concevoir d'une nouvelle manière l'innovation, en cherchant moins à concevoir l'essuie-glace gadget qui durera le moins longtemps possible que le produit qui dure et vaut l'investissement. Dans le domaine économique, il risque de remettre en cause le modèle qui a débuté au vingtième siècle avec le Fordisme qui promettait à chacun de pouvoir accéder sans limite à tous les biens de consommation, y compris la voiture jusqu'alors réservée à une élite, et qui a ensuite dominé tout le vingtième siècle en privilégiant une société de sur-consommation dans laquelle il fallait sans cesse relooker ses produits pour renouveller l'achat. N'est-ce pas le signe qu'il risque ausi de changer la manière de concevoir le Marketing, en l'invitant moins à se fier uniquement à des recettes de changement perpétuel, qu'à l'analyse des apports profonds d'un produit, à sa correspondance à des besoins ou à des tendances de fond, comme le croyait Maslow ?
Quel que soit le nouveau paradigme de comportement du consommateur en émergence avec la crise, il ne faut pas oublier qu'il ne sera pas "que" rationnel, et qu'il incluera aussi sa part de valeurs, de croyances, d'espoirs et de désirs qui se cristalliseront d'une nouvelle manière sur les produits, et qu'il faut savoir prendre en compte. C'est bien ce que nous apprend, positivement, l'Obamania actuelle: la crise n'est pas porteuse que de comportements restrictifs, elle est aussi à l'origine de nouveaux rêves et espoirs, de nouvelles utopies et valeurs collectives à prendre en compte pour mieux compendre la dynamique du monde dans lequel nous vivons...
Christian Miquel